poupées anciennes françaises et étrangères 1920-1970
19 Janvier 2025
En ce matin du Nouvel An, la Belle Citronnière est encore profondément endormie . Partout les rideaux sont tirés et les persiennes closes.
De-ci de-là, des cotillons et des bouteilles de jus fruits garnissent encore guéridons et tables basses. De petits tas de confettis encombrent les tapis moelleux, des étages jusqu'au parquet de la grande salle.
Pourtant quelqu'un ne dort pas. Une ombre furtive reptilienne (bien qu'un peu bedonnante) se faufile dans l'obscurité complice.
Fort heureusement, la maison est bien fermée sinon l'on pourrait croire qu'un monte-en-l'air s'est subrepticement introduit dans l'établissement à la faveur des festivités de la St-Sylvestre...
Mais non, rien de tout cela . Dans la lumière blafarde qui tombe de la verrière du grand escalier , on vient d'entre-apercevoir l'ombre d'un peignoir en soie et de mules délicates... Madame ? Non, si vous observez bien lesdites pantoufles, vous pourrez apercevoir quelques touffes de poils disgracieuses qui en dépassent, ne laissant aucun doute quant à l'identité de leur propriétaire... que Madame la Directrice surnomme affectueusement de temps à autres "mon gros ours" !
Profitant de la maison endormie et déserte, l'ombre coupable se dirige d'abord vers la cuisine. Elle marque un arrêt silencieux devant la porte car si des reliefs négligemment oubliés sur la table semblent encore bien alléchants, devant la cuisinière à charbon qui ronfle gentiment, l'affreuse cerbère (ça se voit hein ? ) de Madame est aux aguets dans son panier, interdisant toute incursion discrète.
L'horrible bestiole a une propension à japper bêtement dès qu'elle aperçoit des mollets poilus ! Normal dans une maison remplie de jeunes filles...
Dépité, l'infortuné fantôme bifurque alors vers la salle à manger. Il pique droit vers la table où gît une corbeille géante de papillotes encore abondamment approvisionnée. Elle manque même de déborder... Enfin un larcin rapide et facile, et puis les petites sont tellement gourmandes qu'il sera facile de leur attribuer les disparitions ! Tout satisfait de son machiavélisme et bien mis en appétit , l'ectoplasme directorial se glisse silencieusement jusqu'à la grande table. La maison est toujours silencieuse.
C'est alors qu'une main, pas celle de la famille Adams ! fonce vers la tentante corbeille beignée de pénombre.
Mais au moment où elle s'apprête à se saisir de son contenu , une petite voix l'arrête net :
- Dites donc! Ce n'est pas des façons de réveiller les gens, un jour de l'an !
- Mais ! Mais ! Je suis chez moi, ronchonne en sursautant le fantomatique propriétaire brusquement revenu du royaume des ombres car il allume fissa une lampe à pétrole !
Et d'abord , que faites vous ici ? Allez oust ! vous n'avez rien à faire dans MA corbeille de papillotes de MON établissement !!!
- Oh que si ! Je m'appelle Annie ! Et on m'a commandée !
- Oh que non ! Je voudrais bien voir ça ! Vous devriez disparaître avant que MA femme, Mme la Directrice ne vous voie, sinon elle va piquer une colère "commandantesque" !
Devant tant de vacarme , Madame en grande tenue du matin, vient de paraître en haut de escaliers :
- Hé bien mon ami ? Voilà bien du charivari pour un matin du Nouvel An. Quelle étrange façon présenter vos bons vœux ! J'ai bien ouï "Directrice" et "colère commandantesque" ? Précisez-moi donc votre pensée avant je pique une colère "edmondantesque" ou que je ne vous envoie croupir au cachot ?
- Ah mais non ma Mercédès rutilante ! Rien de tout cela ma petite pompe à l'huile (pâtisserie provençale ) ! Je viens de trouver cette petite étrangère à l'instant ici et elle me pompe l'air avec des explications abracadabrantesques !
- Comment cela ? Vous ne me paraîssez pourtant pas prêt à défaillir quand j'entends vos matinales vocalises !
- Enfin taratata ! Je vocacifère (NDLR : mélange de vocalise et de vocifère, le directeur est maintenant très énervé et il pense plus vite qu'il ne parle) ! si je veux ! Cette petite Annie dans Mes papillotes, ça Me contrarie, çà Me coupe la chique ! Tè ! ça M'empêche de manger ! Et puis on l'a pas invitée , ni recrutée, ni adoptée enfin !!!.
- Tit ! Tit !Ttit ! J'ai toujours rêvé d'accueillir ici une petite Annie de Femmes d'Aujourd'hui et vous voudriez me priver de ce plaisir que le Père du Nouvel An m'apporte ? Je vous rappelle quand même que vous avez oublié de m'acheter Mon parfum pour Noël , vous vous souvenez ?
- ....
- Madame ,dit la délicieuse enfant, je suis navrée que mon arrivée cause autant de tracas. J'aurais dû arriver dans une rose mais la cigogne m'a déposée ici ce matin car il n'y a plus de roses dans votre jardin !
- Oooh comme c'est charmant ! minaude Madame . Avec une jolie robe rose en plus ! N'est-ce pas mon ami ? L'année s'annonce délicieuse ! Et tant pis pour le parfum.
- Ah ces Femmes d'Aujourd'hui ! maugrée le directeur . Hé bien, alors bonne année tout le monde !
- A la bonne heure vilain garnement , vous voilà revenu à de meilleurs sentiments ! Tenez et comme bonne résolution pour cette année , nous donnerons toutes les papillotes à cette petite enfançonne qui n'a rien eu à Noël ! ça vous évitera de faire des folies avec vos bons amis, Messieurs Diabète et Cholestérol !
- Puisque vous voilà ravie et moi fort marri, bien que dans la perspective d'une meilleure santé, permettez-moi donc de me retirer (à voix basse pour le public), je me consolerai avec Mesdames Cigarette et Absinthe ! Na !
Et sans provision de papillotes, tel une fusée de soie , Monsieur le Directeur disparaît en claquant la porte de son bureau.
Dans cet air chargé d'électricité, qui n'équipe pourtant pas encore l'établissement , l'ensemble du personnel de la Belle Citronnière vous présente quand même ses meilleurs vœux et vous donne rendez-vous bientôt pour de nouvelles aventures... trépidantes !
Vous aurez reconnu la petite SFBJ/Jumeau 316/4 que la revue Femmes d'aujourd'hui a diffusé entre 1953 et au moins 1957 sous le prénom d'Annie.
Elle s'appelait également Brigitte ou Christine .
La photo ci-dessous est issue du livre de Samy Odin , sur la demoiselle de gauche la robe est similaire .
La nôtre nécessite une petite remise en forme maquillage et coiffure car sa première petite maman , toute pressée d'imiter la photo chez la coiffeuse a cru bon d'y aller de bon cœur coté gauche...
Nous remercions la cigogne du pichet Saint-Clément pour sa charmante livraison !